De l'art de parler des œuvres d'art


          Toute raisonnable, toute désirable en même temps que soit l'explication d'une œuvre, son cortège de références, sa justesse technique, son audace théorique, d'où vient cette gêne un peu, cette déception pour tout dire, qu'il nous arrive de ressentir dans bien des livres, sinon que tout sans doute a été examiné, mais que rien d'abord n'a été retranscrit ?
          Il en est ici, dirait-on, comme de la Terre dont parle quelque part Edmund Husserl, qui n'a de cesse de bouger, pour les astronomes, mais qui toujours reste immobile, pour ses habitants : l'explication d'une chose ne supplée pas à son impression. Ou disons que si l'explication est bien désirée, elle ne saurait faire oublier ni dégrader une certaine expérience première, constante aussi bien, des choses. Or, musiques, tableaux, églises ou palais, on voudrait de même qu'avec l'information que ces œuvres certainement réclament, puisqu'une une fugue n'est pas un nocturne, ni le maniérisme le baroque, quelque chose d'autre s'y fonde et ne se laisse pas perdre, et que l'on pourrait dire, quoi ? L'adresse d'une œuvre, ses suggestions, ses appels, les multiples départs de sens que l'on se prend à lui trouver, et qui exigent aussi certainement de l'auteur un effort, non d'explication mais d'expression. Car il y a autant de déférence sans doute dans l'inspection des symboles d'un tableau que dans le choix du bon adjectif pour en parler.
       Toutes les citations que nous partagerons sur ce site, courtes, enlevées, passionnées toujours, auront donc pour nous la vertu de mêler à la communication d'une information quelque chose comme la communion d'une expérience.


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